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A la tête d'un domaine de 7 ha cultivé en Biodynamie en Champagne, Isabelle et Franck PASCAL vous font partager leur vision de la viticulture. Qualité du produit, plaisir gustatif, préservation de l'environnement, travail dans l'intérêt du vivant font partie de leurs valeurs...

Papy mildiou fait de la résistance

Qu'est-ce que le mildiou ?

Le mildiou est un champignon très problématique dans les régions viticoles où la pluviométrie est élevée. Il se développe sur feuilles, puis se multiplie et contamine les nouvelles feuilles, rameaux et grappes pour les détruire. Il peut donc engendrer des pertes de récolte substancielles. Ce papy apparu en France en 1878, répondant au doux nom de Plasmopara viticolaest présent partout où la vigne est cultivée.

 

Comment lutter contre le mildiou ?

La lutte est essentiellement préventive, mais elle peut avoir des faiblesses qui nécessitent une action curative.
Il y a 15 ans seulement, il était très facile d'arrêter le mildiou avec un ou deux traitements bien placés. Tous les vignerons qui exercaient à cette époque s'en souviennent. En Champagne, 1997 a été une année noire du point de vue du mildiou: localement, la récolte a été quasiment détruite. Ca a été un début de prise de conscience qu'il était très diffcile stopper le mildiou avec les moyens de lutte préconisés. Année après année, les vignerons constatent qu'il est de plus en plus difficile de contenir les épidémies de mildiou. En 2005, malgré les prescriptions des spécialistes, le mildiou a fréquemment été observé sur feuillage et sur grappes. Dans les réunions, les discussions reviennent souvent sur ce sujet, car même en travaillant correctement, il n'est pas rare de se faire piéger...

Pourquoi le mildiou fait-il de la résistance ?

Il faut savoir que l'application répétée de pesticides sur - l'organisme vivant qu'est - le champignon induit sa mutation. De plus, sous l'effet des substances chimiques, des "erreurs" peuvent apparaître dans son ADN lors de sa réplication, ce qui modifie sa nature profonde. Il peut ainsi se retrouver malgré lui avec un gène modifié qui lui donne l'aptitude à résister à la molécule qui a voulu le détruire. Lors d'un traitement, celui-ci va survivre alors que les autres seront détruits. Il aura toute la place souhaitée pour se répliquer et coloniser la vigne. Le vigneron pourra traiter tant qu'il voudra, ses actions seront vaines car le champignon sera naturellement protégé contre les produits employés. Une nouvelle souche de champignon sera née.

Les techniciens mettent l'accent sur la qualtié de la pulvérisation: elle serait à leurs yeux insuffisante et expliquerait en grande partie la difficulté accrue de lutter contre le mildiou. Pourquoi pas? La technologie est de plus en plus poussée sur les engins viticoles pour améliorer la qualité de pulvérisation de la vigne. Les générations précédentes arrivaient à protéger leur vignoble avec des moyens rudimentaires installés sur des tracteurs légers... le problème vient-il réellement de la qualité de pulvérisation??? 

Pour arriver à la qualité de pulvérisation conseillée, il faut des engins très puissants, et extrêment lourds, ce qui est contraire au respect des sols et à l'expression du terroir. Avec ces gros matériels et une pulvérisation optimisée, on note que le mildiou est moins présent. Mais pour combien de temps ? Résoud-t-on le problème ou bien reculons-nous pour mieux sauter ?

Le phénomène de résistance aux pesticides de synthèse est-il avéré ?

J'ai reçu cette semaine une note sur les phénomènes de résistance du mildiou aux molécules chimiques. Elle a été rédigée par :
 - L'INRA (Institut National de Recherche Agronomique)
 - La SDQPV (Sous-Direction de la Qualité de la Protection des Végétaux)
 - Le CIVC (Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne)
 - L'ITV (Centre Technique Interprofessionnel de la Vigne et du Vin)
 - Les Chambres d'Agriculture

Il y a bien des résistances à plusieurs molécules:
- Diméthomorphes
- iprovalicarbe
Des souches sont résistantes à l'une ou l'autre de ces molécules, d'autres sont résistantes aux deux à la fois. Leur fréquence semblerait peut évoluer depuis 2003, mais ces souches seraient plus dispersées dans le vignoble. On nous fait remarquer qu'elles n'étaient décelées que dans le Midi-Pyrénnées en 2003... ce n'est plus le cas en 2005 (Alsace, Provence notamment). La menace s'est étendue...

Les résistances aux QoI sont aussi constatées:
-  famoxadone
-  fénamidone
- azoxystrobine (une strobilurine)
- pyraclostrobine (une strobilurine)
Pour ces molécules, "la résistance du mildiou à cette classe est toujours très largement installée dans le vignoble français et, dans d'assez nombreuses situations, la fréquence des souches résistantes est élevée.", dit le courrier.

Comment sont gérées ces résistances ?

A ma grande surprise, ces molécules sont toujours commercialisées. En cas de conditions propices à un fort développement du mildiou, le risque est très grand pour le vigneron de privilégier l'expression de ces souches résistantes si ses vignes sont "protégées" par les molécules sus-citées.
On risque donc de voir apparaître ces prochaines années des résistance simultanées aux diméthomorphes, à l'iprovalicarbe et aux QoI... C'est une véritable fuite en avant.

Ces mutations sont-elles une menace pour la culture biologique ?

Actuellement, ce n'est pas le cas: les spécialités minérales à base de cuivre ne souffrent d'aucune résistance. De plus, l'ortie employée en tisane modifie "le terrain" de la vigne: le terrain n'est plus aussi propice à l'installation du mildiou. Idem pour la décoction de prêle, mais pas pour les mêmes raisons. Quant aux tisanes de saule ou d'osier, ce sont de vrais anti-cryptogammes (voir les rechercehs menées par l'INRA): elles détruisent plusieurs champignons dont le pathogène mildiou (à utiliser à faible dose: environ 300 g/ha pour ne pas altérer les champignons du sol).

Cependant, il faut craindre qu'en créant toujours plus de molécules de synthèse, le champignon va petit à petit "colmater ses failles" et devenir extrêmement résistant... dans ce cas, il est possible que le champignon devienne un jour résistant aux sels de cuivre. La viticulture ne sera plus qu'un souvenir...
Par ailleurs, multiplier le nombre de molécules pulvérisées sur les raisins multiplie les risques de les retrouver sous forme de résidus dans les vins...
Vous pourriez ne pas leur résister et ne seriez plus à votre tour qu'un souvenir...

Pour en savoir plus: http://www-ipm-vigne.enitab.fr/Maladies/Mildiou.htm

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M
Merci pour toutes ces informations, le mildiou est en train de tuer toutes mes tomates !
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